Deux regards sur Emma Bovary
Adapter Madame Bovary pose plusieurs problèmes au scénariste et au cinéaste. Le premier tient au statut particulier du roman. Il fait partie des œuvres canoniques de la littérature française. Non seulement il est l’emblème d’une construction romanesque typique du XIXe siècle, mais le scandale qui a suivi sa parution et le procès de Flaubert en ont fait, à l’instar des Fleurs du Mal, un exemple des tensions entre l’invention littéraire et l’acceptation sociale, entre la singularité du destin d’un personnage et les conservatismes que ce destin met en lumière.
Cet aspect patrimonial rend la question récurrente de la fidélité de l’adaptation plus difficile et incite à la dévotion : Madame Bovary prend en charge une part de la France et de son histoire. Lorsque Claude Chabrol, qui s’est passionné pour mettre en images les ombres de la bourgeoisie française, s’empare du roman, il veut précisément aller le plus loin possible dans la fidélité au roman : faire entendre le style, être au plus près des métaphores et des nuances.
Lorsque c’est un cinéaste hollywoodien comme Vincente Minnelli qui travaille sur ce roman, dans un contexte de création marqué par les censures du code Hays et des règles de pudeur et de litotes, c’est une vision du caractère d’Emma qui le guide.